Minorités, communautés: une comparaison Europe/ Etats-Unis Compte-rendu de la conférence du 4 mars organisée par le groupe "Diversités dans la République" du GBF, avec Andrew Diamond (Université de Lille III) et Pap NDiaye (EHESS) Cette séance du groupe de travail " Diversités dans la République " partait du souhait de s’interroger sur les raisons des violences urbaines survenues en novembre dernier et de clarifier les sens divers et parfois contradictoires que le discours médiatique ou celui des politologues voulaient leur assigner. Beaucoup y ont vu la fin du modèle républicain à la française. Ce dernier semble de plus en plus frappé d’obsolescence par la constitution, depuis quelques années, de communautés organisées. En effet, des revendications émergent chez des groupes forgés autour d’identités confessionnelles, ethniques ou sexuelles, revendications suscitées par l’absence ou la quasi-absence patente de représentation au sein des élites politiques, culturelles, ou médiatiques de personnes issues de l’immigration ou des DOM TOM. Devant cette exigence de visibilité des minorités, les Etats-Unis jouent incontestablement un rôle de modèle, de précurseur, mais jusqu’à quel point celui-ci est-il compatible avec un pays comme la France doté d’une histoire politique très différente ? La conception universaliste républicaine est-elle, cependant, toujours pertinente dans un monde post-colonial, post-moderne et plongé dans un capitalisme mondialisé, caractérisé par des migrations massives dans lesquelles les lignes de filiations à des identités traversent les frontières ?
Andrew Diamond
Une question lancinante semble actuellement hanter le débat politique en France: allons-nous dans la même direction que les Etats-Unis, vers une société divisée en groupes raciaux, caractérisée par un factionnalisme qui subordonne les questions politiques à des questions identitaires, bref vers un " cauchemar à l’américaine " ?
Saisie par les différentes tendances politiques, la question des minorités a été tantôt rejetée comme une malédiction par la gauche qui lui préfère une vision du monde social fondée sur une division en classes, tandis que la droite attaquait la politique identitaire en lui opposant des arguments " républicains ". Campé dans une définition figée de l’identité nationale, le discours " républicain " sur la nation se caractérise par une double opposition : ce qui n’est pas français, c’est avant tout l’Islam et les Etats-Unis. Si les médias français se sont fait l’écho de ce double rejet en faisant de l’échec de la gestion du cyclone Katrina, la défaite de la politique raciale américaine, la France pourrait toutefois tirer leçon de cette dernière.
L’idée largement répandue que la France ne connaîtrait pas de problèmes ethno-raciaux repose sur une vision utopique d’une société française qui n’aurait pas de raison historique évidente pour prendre en considération l’origine raciale
Par ailleurs, les sous-cultures qui se sont développées notamment chez les jeunes ont eu une influence considérable sur le débat politique et ont profondément modifié le discours sur l’origine raciale en France. Si plusieurs organisations et associations en France sont fondées sur une tradition religieuse et raciale, telles le Conseil Représentatif des Associations Noires(CRAN) ou les organisations juives, leur terrain discursif reste limité car elles ne peuvent articuler leur exigence de reconnaissance des droits civiques à l’origine raciale.
Cette prise en compte de l’élément ethnique en France tient, en partie, à la difficulté qu’a l’Etat en France d’admettre des médiations entre citoyens et Etat.
Face aux notables problèmes d’ascension sociale des personnes issues de l’immigration d’Afrique du Nord et subsaharienne, la solidarité raciale peut constituer, paradoxalement, une force d’intégration
Si la formation d’une identité noire aux Etats-Unis a joué un rôle essentiel pour le mouvement des droits civiques, elle n’a a pas été sans créer de problèmes : les villes américaines sont fortement divisées par des frontières ethniques et l’effort de représentation d’une élite politique et culturelle noire, notamment grâce à l’action efficace d’organisations comme la SNCC (Student Nonviolent Coordinating Comittee) n’a pas pour autant amélioré le sort des Noirs, ce combat pour la reconnaissance de représentation ayant délaissé la question des droits économiques. Il n’en demeure pas moins que la reconnaissance d’une origine raciale pourrait fortement favoriser en France l’intégration raciale, à condition de rester prudent face aux risques d’un repli communautaire.
Pap NDiaye
" La revendication identitaire " ou comment être français et différent ?La revendication identitaire apparaît dans les années 1970 sur un terrain culturel et accompagne la redécouverte des langues régionales en Corse, en Bretagne comme aux Antilles. Dans ces dernières, la mise en valeur de la langue créole, l’intérêt pour le passé esclavagiste empruntent également à l’expérience des mouvements noirs américains dont elles sont géographiquement proches et au Black is beautiful movement. Cette prise de conscience de la singularité culturelle trouve son expression politique, dans les années 1980, lorsqu’est votée la loi sur la décentralisation et que se développe le soutien aux langues et aux cultures régionales.
A partir des années 1990, un changement de paradigme s’opère : si dans les années 1980, la lutte contre le racisme, menée principalement par SOS Racisme, avait placé la stigmatisation du Front National et la lutte contre les formes de xénophobie sur le terrain moral, les années 1990 ont, au contraire, mis l’accent sur la question ethno-économique des discriminations, une perspective pragmatique largement influencée par le droit américain
Ces revendications avaient déjà vu le jour bien avant les années 1980, cependant elles avaient vite été étouffées notamment par les partis politiques et les syndicats. Au seuil des années 1980, la " marche des Beurs " fut marginalisée au profit de SOS Racisme, orchestré par le Parti socialiste, mais déjà quelques décennies auparavant, dès les années 1930, des ouvriers étrangers s’étaient regroupés sur des bases ethno-raciales au sein de la CGT et la CGTU, des sections de main d’œuvre immigrée qui jouèrent un rôle-clé dans les mouvements de résistance et furent aussi, pendant l’Occupation, abandonnées par la CGT. Dans les mêmes années, le mouvement de la négritude impulsé par Léopold Senghor et Aimé Césaire laissa émerger, à son tour, une revendication identitaire, avant de se dissoudre après la guerre, sous l’effet de logiques indépendantistes et la décolonisation. Aujourd’hui, les formes d’organisations centrées sur l’identité communautaire rassemblent des personnes partageant moins une identité ethnique ou culturelle qu’une expérience sociale commune, celle de la discrimination, une communauté d’intérêt qui va au-delà de la couleur de peau.. Car l’Etat en France s’est pensé dans une relation organique directe avec le citoyen, figure politique abstraite rationnelle et la politique anti-discriminatoire n’a pu se constituer que dans une perspective jacobine, s’appuyant sur des institutions dont les effets se répandaient sur l’ensemble du corps social. La réflexion des politiques publiques de lutte contre les discriminations est, par ailleurs, rendue difficile par l’absence de données statistiques. Une étude réalisée dans l’assistance publique est pourtant très révélatrice, montrant la part importante de personnes d’origine antillaise dans la catégorie D de la fonction publique (85%) contre 1% dans la catégorie A. La matière la plus importante sur laquelle s’appuie le travail des associations demeure donc les plaintes et les témoignages. Quant à l’action de la HALDE (Haute autorité de lutte contre les discriminations) , elle demeure très timide.
Ces revendications se heurtent à une certaine surdité de l’Etat qui préfère, pour l’instant, se réfugier derrière la commémoration et une inflation des gestes symboliques
Une politique anti-discriminatoire ne peut se faire sans une forme de mobilisation populaire.
Sous le prisme de cette absence de reconnaissance, on peut lire les récentes violences urbaines qui sont loin d’être, comme on l’affirmait aux Etats-Unis pour les émeutes de 1967, à Détroit notamment, des violences issues d’un Lumpenproletariat des ghettos détruisant " for fun and profit ". Les analyses sociologiques montrent, à l’inverse, que les émeutiers n’étaient pas nécessairement les plus pauvres ni les moins instruits. Très semblablement, une étude de Stéphane Beaud et Michel Pialoux sur la région de Montbéliard révèle que les actions politiques conventionnelles (vote, association) ou non conventionnelles rassemblent des personnes qui ont plutôt remporté des succès scolaires. Celles-ci qui avaient adhéré au discours tenu depuis vingt ans sur l’éducation promettant réussite et ascension sociale par l’école, ont vu cette promesse vite démentie à l’issue des études par un refus d’emploi ou par une relégation professionnelle dans des postes moins qualifiés : car, si le chômage touche massivement les jeunes, il frappe plus encore ceux d’origine nord-africaine. Patent est, à cette égard, le cas de l’immigration venue des Antilles : organisée à partir de 1961, pour pourvoir des postes de la fonction publique (Poste, douane, hôpitaux), elle répondait à une véritable politique de discrimination positive. Or, les enfants de ces familles n’ont non seulement pas retrouvé ces emplois réservés, mais, plus encore, ceux dotés de diplômes se sont vu refuser la compétition aux postes correspondant à leur niveau d’étude.
La déception et la colère qui en résulte, sont alors à la hauteur de l’espoir investi.
Ainsi, la revendication identitaire naît d’abord de celle que la discrimination assigne à l’individu. Cette désignation identitaire négative peut certes aboutir à victimisation générale, mais on peut également la transformer en un combat ou en une dignité : à l’instar de Raymond, Aron sans cesse renvoyé à une identité juive, qui s’affirmait " Juif par dignité ", on peut être " Noir par dignité ".
Conclusion générale: quelques propositions
A " l’universalisme surplombant " qui appelle au silence toute revendication identitaire sitôt taxée de communautarisme " menaçant le pacte républicain ", on peut opposer un " républicanisme réitératif " qui s’éprouve dans des actions faites pour l’universalisme. Des associations fondées sur un critère ethno-racial et sur des groupes d’intérêt, loin d’affaiblir la République, peuvent participer à la mobilisation des populations qui se sentent depuis longtemps abandonnées. Ainsi la question des discriminations doit être envisagée d’un double point de vue étatique et associatif. La prochaine campagne présidentielle devrait prendre en compte ces minorités, en proposant des réponses concrètes.
Parmi celles-ci l’encadrement de la jeunesse, en recréant des postes d’éducateurs, drastiquement réduits ces dernières années s’impose comme un terrain à réinvestir. Enfin intégrer l’Europe à la question des discriminations pourrait être une des voies de sortie de cette crise.
N.Ghermani
En effet, je suis d'accord avec vous, la fiante oups! pardon, la france a trop longtemps laissée de côté la question "raciale" ou pour être plus éxacte inter-espèces. Je ne sait pas si la couleur de peau est une construction sociale, je croyais naivement que celle-ci étais déterminée par certains gènes comme par éxemple le mc1r ou matp ou encore slc24a5 et j'en oublie. mais bon puisque les sociologues ont réussis a démontrer que l'eumélanine et la phaéomélanine qui devait être reponsables de l'éssentiel de la pigmentation de la peau n'éxistait que par un processus historico-économico-social héritage de la colonisation et de l'exploitation... il est vrai que l'assassinat de deux mal-bronzés pendant la "révolution" de 2005 n'est pour certains qu'un détail (notamment un Homme de 54 ans battu a mort par des "damnés de la terre" alors qu'il photographiait un réverber pour le compte de son entreprise sous les yeux de sa femme et de sa fille, inutile de dire que les révolutionnaires qui ont lynchés ce qu'Esther Benbassa appelerait sans doute d'après sa doctrine un "dominant", traduction, un salaud capitaliste exploiteur du tiers-monde, oh! ne vous inquiétés pas pour les lyncheurs, la justice marxiste de ce pays veillera a ce que ce "fait divers" soit classé... sans suites), puisque comme le disait l'humaniste marocain Tahar Ben Jelloun, il n'y a pas eu de morts pendant cette "lutte pour les droits civiques". Mais quand même je me donne le droit de penser que ces deux vrais martyrs, victimes du cynisme antiraciste, était avant d'appartenir a un "majorité dominante culturellement, politiquement, économiquement, qui se pose en victime ne peut susciter de la compassion" (Esther Benbassa), des Hommes avec touts les droits sensés en découlé. Oui voyons les "races" en face car le civisme c'est le passé, la tribu l'avenir.
Rédigé par : Angra Mainyu | 15 août 2007 à 19:45
Hello!
Nice site ;)
Bye
Rédigé par : AssereSyncsek | 06 février 2008 à 18:55